Adieu à un ami du CERMI

Le CERMI a appris avec beaucoup de tristesse au cœur de l’été le décès de Gérard Malgat, un homme généreux et engagé, notamment au sein de notre association, où il participait également au comité scientifique de la revue Exils et migrations ibériques aux XXe et XXIe siècles. Quelques mots sous forme de lettre, pour retracer un beau parcours d’humaniste.

Cher Gérard,

Je t’ai lu avant de te connaître : quelqu’un m’avait parlé de ta maîtrise sur Aqui Paris, l’émission en langue espagnole de l’ORTF alors que je commençais des recherches sur Adelita del Campo et Julián Antonio Ramírez, les voix de l’émission dans les années 60 et 70. Ton travail très complet et synthétique sur un sujet dont les sources sont très éparpillées m’a permis de gagner beaucoup de temps.

Je t’ai rencontré à l’automne 2019 lors des journées de CAMINAR à Toulouse : tu intervenais sur Max Aub dans les camps d’internement, du Vernet d’Ariège à Djelfa. Odette Martinez-Maler, tisseuse de liens, nous a présentés et j’avais été frappée alors par ta douceur et ton écoute. Tu incarnais quelque chose que j’apprécie beaucoup : un parcours de passionné hors des sentiers universitaires, engagé et exigeant sur la qualité de tes travaux de recherche.

Nous avons échangé ensuite à plusieurs reprises par mail et par Zoom (le covid et les confinements étaient passés par là) sur le parcours d’Adelita et Julián qui avaient joué au château de Vallon-en-Sully pendant la Seconde Guerre mondiale, tu habitais tout près. Tu avais commencé des recherches sur leurs tournées théâtrales dans l’Allier et tu envisageais de proposer un article pour le n°13-14 de la revue du CERMI. Hélas ton état de santé ne l’a pas permis.

Une rencontre, quelques mails et trois visios, on peut donc pas dire que je te connaissais. Odette a rassemblé quelques éléments biographiques auprès des personnes qui t’ont bien connu, qui confirment ton parcours atypique.

Tu es entré à l’Ecole Normale d’instituteurs de Versailles en septembre 1966, à l’âge de 14 ans, bachelier en 1969, et tu as exercé le métier d’enseignant jusqu’en 1972. Tu es devenu ensuite permanent au CEMEA, où tu t’es engagé dans un travail d’animation en particulier auprès d’enfants en difficulté. Tu a mis en œuvre, dans ce cadre, une pédagogie active, liée à la nature, aux activités de la ferme et du jardinage. De 1979 à 1989, tu as ainsi travaillé à la Ferme du Bel Air, à Villiers le Bâcle.

En parallèle de cette intense activité pédagogique, tu a mené un travail de recherche en étudiant d’abord les émissions en espagnol de Radio Paris, puis l’œuvre de Max Aub dont tu es devenu un spécialiste. C’est à cet écrivain que tu as consacré ta thèse de doctorat en études romanes dirigée par le Professeur Jacques Maurice et soutenue en 2002 à l’Université Paris-10 Nanterre.

Ce travail universitaire a donné lieu à la publication de plusieurs ouvrages et de nombreux articles consacrés à Max Aub : parmi eux, il faut citer l’ouvrage en espagnol intitulé Max Aub y Francia o la esperanza traicionada, qui est publié en 2007à Séville, par les éditions Renacimiento, collection Biblioteca del exilio grâce à la traduction de Jaime Cespedes Gallego ; ajoutons qu’une édition française de ce même ouvrage est paru en 2013 chez L’atinoir sous le titre Max Aub et la France ou l’espoir trahi. En 2010, tu as publié – en tant qu’éditeur scientifique – aux éditions Pagès de Lerida, la correspondance échangée entre l’écrivain espagnol, auteur du Laberinto español, et André Malraux durant une trentaine d’années. L’ouvrage traduit par Antoni Cisteró et publié sous le titre André Malraux y Max Aub. La república española, crisol de una amistad : cartas, notas y testimonios (1938-1972), réunitune centaine de lettres[1]

Tu as rédigé des préfaces aux éditions et rééditions des œuvres de Max Aub :  ainsi Campos de los Almendros en 2019 publié à Grenade par Cuadernos del Vigía  ou encore Cinco obras de teatro breveCinq pièces du théâtre bref dont l’édition bilingue avec une traduction de Miguel Vaylón est publiée en 2015 en lien avec l’Université Autonome de Mexico par la Editorial Nova 19XX ( collection Espejo del mundo).

Dans cet engagement d’hispaniste passionné, ton travail sur l’œuvre littéraire de Max Aub s’est prolongé par des études liées à l’exil des républicains espagnols et à la solidarité envers les réfugiés. Tu as ainsi rédigé le prologue de récits personnels tels celui d’Olivia Remei Exode : de l’Espagne franquiste aux camps français publié en 2010 aux éditions l’Harmattan. Il est l’auteur de Gilberto Bosques. La diplomatie au service de la liberté. Paris, Marseille (1939-1942) publié chez L’atinoir, Paris, 2013 avec une préface de Stéphane Hessel.

Tu fus également traducteur. Citons à ce titre la parution de ta traduction du roman d’Antoni Cisteró Champ d’espoir, en 2017 chez Balzac éditeur ( collection L’Envers du décor) et en 2022 celle de l’ouvrage du sociologue Carlos Perera Apprentissages de l’exil  Paris, Eliott.

Nous nous sommes rencontrés au CERMI (tu étais membre du comité scientifique de la revue Exils et Migrations ibériques aux XXe et XXIe siècles), mais ton activité associative s’est également déployée dans d’autres associations amies : Caminar (https://coordination-caminar.org/blg/gerard-malgat-nous-a-quittes/) , Aemic, la Fundación Max Aub, l’association Présence de Manuel Azaña, le CMRE (Collectif pour la Mémoire de la Seconde République espagnole) de Montluçon, l’AIAM (Amitiés Internationales André Malraux) et le Centre Joë Bousquet et son temps (Maison de mémoire de Carcassonne).

Conférence de Gérard Malgat, Max AUB ou les crimes d’écriture d’un indésirable le 3 décembre 2019 à Brest : https://www.canal-u.tv/chaines/ubo/max-aub-ou-les-crimes-d-ecriture-d-un-indesirable-exemplaire-conference-de-gerard


[1] Voir sur cet ouvrage, le compte-rendu publié par Bernard Sicot, « André Malraux y Max Aub. La república española, crisol de una amistad. Cartas, notas y testimonios (1938-1972) », Cahiers de civilisation espagnole contemporaine [En ligne], 11 | 2013, mis en ligne le 28 décembre 2013, consulté le 22 août 2022. URL : http://journals.openeditioCentre Joë Bousquet et son temps. Maisons de mémoire. Carcassonnen.org/ccec/4810 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ccec.4810